Dans ce chapitre, nous allons découvrir que tous les processus physiologiques et psychologiques qui nous animent ont une raison d’être qu’ils réalisent à la perfection : celle de nous maintenir en vie.
Savez-vous comment deviner, au premier regard, si un animal fait partie de la famille des proies ou au contraire de celle des prédateurs ?
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Tout simplement en observant ses yeux. Les proies ont en effet des yeux globuleux placés sur les côtés afin de profiter d’une vue panoramique qui leur permette de mieux voir approcher les prédateurs – et d’ainsi fuir plus rapidement –, tandis que les prédateurs, eux, ont des yeux frontaux et convergents qui les autorisent à voir en relief – et à ainsi attaquer leurs proies avec plus de précision. Les proies sont de fait anatomiquement tournées vers la défense ; les prédateurs vers l’attaque.
Ceci n’est bien sûr pas dû au hasard. Sur notre planète, tout est parfait car tout a été optimisé pendant des millions d’années afin d’atteindre un objectif précis : la survie. Ceci est vrai pour les plantes, pour les animaux… et bien sûr tout aussi vrai pour les êtres humains !
C’est à cette fin que l’évolution a doté notre espèce de cerveaux et de corps extraordinaires, capables de confectionner des pensées complexes et d'éprouver des sensations subtiles. Si ces deux caractéristiques nous ont collectivement permis de devenir l'espèce dominante sur notre planète, elles ont malheureusement aussi parfois tendance à se retourner contre nous en tant qu'individus. Car avec l’intelligence, nous avons aussi hérité d’une sensibilité extrême qui nous pousse parfois, dans notre for intérieur, à nous percevoir comme des êtres vulnérables dominés par nos sentiments, maltraités par nos semblables, et soumis aux aléas de l’existence.
Pourtant, vivre perpétuellement dans la peur de nos émotions, de nos congénères et de la vie en général n’est pas une fatalité.
Dans ce chapitre, nous allons découvrir que les êtres humains sont des organismes biologiques possédant de nombreux besoins d’ordre physiologiques et psychologiques, que nous avons cependant tendance à négliger.
Certaines personnes voient les humains comme des êtres spirituels incarnés dans un corps physique, et prêtent à leur existence une origine et un dessein mystiques. C’est un point de vue que nous examinerons dans la seconde partie de cet ouvrage. Mais pour le moment, nous nous limiterons à une vision plus "cartésienne" de l’humanité, et nous bornerons à nous considérer comme de simples créatures animales un peu particulières.
De ce point de vue, nous, êtres humains, pouvons être résumés à des entités biologiques autonomes que six cent millions d’années d’évolution ont perfectionnées dans un seul but : survivre, afin que nous puissions à terme nous reproduire, transmettre nos gènes de génération en génération et ainsi assurer la perpétuation de notre espèce.
Mais notre survie en tant qu’individus passe nécessairement par le bon fonctionnement des processus biologiques qui sont en œuvre en nous. Or ces derniers se doivent de répondre à certains besoins essentiels, à la fois physiologiques et psychologiques, et tous liés à nos différentes dimensions.
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Tous les êtres humains possèdent ces mêmes dimensions et partagent ces mêmes besoins essentiels, qu’ils soient physiologiques bien sûr, mais aussi psychologiques. Pourtant, nous n’y sommes pas tous sensibles au même degré. Tel individu, par exemple, recherchera des stimulations intellectuelles fortes quand son voisin, lui, privilégiera les activités physiques intenses. Pour telle personne, le besoin de reconnaissance sociale sera primordial, alors que pour une autre, ce sera celui de sécurité ou au contraire de liberté.
Ces sensibilités particulières ne nous sont pas échues par hasard : si certaines peuvent être de nature biologique, la plupart sont le fruit de notre histoire personnelle précoce. Car c’est souvent un excès ou un manque matériels ou affectifs (qu’ils soient bien réels ou seulement du domaine du ressenti) qui sont à l’origine du renforcement de certains de nos besoins.
Un enfant trop ou trop peu félicité durant sa jeunesse pourra par exemple développer un besoin d’approbation et de reconnaissance excessif. De même, un nourrisson ayant vécu dans un environnement surprotecteur ou au contraire intimidant, mettra peut-être plus tard son besoin de sécurité en exergue. Quant au descendant d’une maison princière et au rejeton d’une famille méprisée, ils auront possiblement plus tard en commun un fort besoin de respect social.
Ces besoins essentiels sont les fondations sur lesquelles nous nous sommes construits et bâtissons chaque jour. Pourtant, nous ne leur accordons généralement que peu d’attention. Qui d’entre nous arrête régulièrement le cours de sa vie pour se demander si ses besoins de sécurité affective ou d’estime de soi sont assouvis ? La plupart du temps, nous avons au contraire tendance à délaisser notre univers intérieur pour nous tourner exclusivement vers le monde extérieur, comme si notre aptitude à "faire" pouvait nous faire oublier notre dimension d’"être".
Et pourtant ! A chaque fois que l’un de nos besoins essentiels se retrouve insatisfait, se mettent automatiquement en œuvre en nous des stratégies de régulation qui, même si nous n’en sommes pas conscients, régissent la plupart de nos réactions et dirigent ainsi nos vies.
Sur notre planète si parfaite, si optimisée, le hasard n’a que peu de place. Et si nos comportements – ainsi que ceux de nos semblables – nous paraissent parfois déconcertants, c’est seulement parce que nous n’accordons pas à nos besoins l’attention qu’ils méritent et rechignons à analyser les stratégies qui les régulent. C’est peut-être pour cette raison que l’évolution nous a dotés de mécanismes nous permettant de prendre conscience, à chaque instant, de l’état de nos besoins : les sensations et les émotions.
Dans ce chapitre, nous allons découvrir qu'afin de pouvoir satisfaire leurs besoins essentiels, les êtres humains possèdent de nombreuses ressources internes ; et que lorsqu'elles ne sont pas suffisantes, ils ont accès à des ressources externes, que ce soit dans leur environnement ou par l'intermédiaire de leurs semblables.
(En cours de rédaction)
Afin de répondre aux besoins de nos corps et de nos cerveaux, nous possédons de nombreuses ressources internes, à la fois physiques et psychiques : des compétences acquises qui nous permettent d’agir avec efficacité ; une intelligence et une créativité qui nous autorisent à trouver des solutions face à des problèmes nouveaux ; un corps qui nous permet, face à une menace, de fuir ou au contraire d’attaquer.
Si besoin, nous pouvons aussi faire appel à des ressources externes, situées dans notre environnement ou chez nos semblables. Notre besoin d’amour, par exemple, peut être partiellement comblé par notre amour de nous-même, mais il peut aussi l’être grâce à la tendresse d’un partenaire sexuel, voire l’affection d’un animal de compagnie. De même, pour nous construire une maison qui nous fera nous sentir en sécurité, il est parfois nécessaire de faire appel à des architectes et des ouvriers professionnels.
Nous venons de le voir : afin d’assurer notre survie, nous avons accès à de multiples ressources nous permettant de satisfaire nos besoins vitaux. Mais encore faudrait-il que nous possédions un moyen de savoir en temps réel si nos besoins sont, ou non, satisfaits. C’est ce que nous allons découvrir dans les prochains chapitres…
Dans ce chapitre, nous allons découvrir que l’évolution nous a dotés d’un système d’alarme qui nous permet de savoir en temps réel si nos besoins physiologiques sont satisfaits : les sensations.
Notre corps appartient au monde de la matière. Pour s’exprimer, il n’a donc accès qu’à un seul langage : les sensations physiques. Afin de savoir en temps réel si nos besoins physiologiques essentiels (ceux que nous avons découverts au chapitre précédent) sont satisfaits ou pas, l’évolution nous a dotés d’un système d’alarme basé sur ces mêmes sensations. C’est ainsi que nous ressentons de la douleur quand notre organisme est menacé par une blessure ou une maladie, ou que nous éprouvons une sensation de faim lorsque nous sommes sur le point de manquer de calories.
Ce système d’alarme, garant de nos besoins physiologiques et donc de notre intégrité physique, est d’une parfaite efficacité. Il se résume pourtant à de simples réactions biochimiques automatiques commandées par notre cerveau reptilien. Il est à noter que ce cerveau étant seulement dirigé par notre instinct primitif, toute forme de pensée – qu’elle soit consciente ou inconsciente – est absente de ce mécanisme de survie.
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Dans ce chapitre, nous allons découvrir que l’évolution nous a aussi dotés d’un système d’alarme qui nous permet de savoir en temps réel si nos besoins psychologiques sont satisfaits ou pas : les émotions.
Il nous est parfaitement naturel de faire le lien entre nos sensations physiques et nos besoins physiologiques, et de réagir en conséquence. Difficile, par exemple, d’imaginer qu’une personne puisse mourir d’inanition parce qu’elle n’a pas suffisamment fait attention à la sensation de faim, ou qu’une autre ne cherche pas à se procurer des médicaments ou à se rendre aux urgences alors qu’elle se tord de douleur. Mais lorsqu’il s’agit de prendre en compte nos besoins psychologiques, la situation est bien moins évidente.
L’évolution nous a pourtant dotés d’un second système d’alarme tout aussi efficient, qui nous permet de savoir en temps réel si nos besoins psychologiques sont satisfaits ou pas : les émotions. C’est ainsi que :
- La peur surgit lorsqu’un danger – réel ou supposé – menace notre intégrité physique,
- La colère quand l’injustice, le manque de reconnaissance ou l’absence de respect pointent,
- La tristesse lorsque nous perdons le sens des choses ou un contact affectif avec une personne qui nous est chère,
- La surprise quand notre besoin de clarté ou de compréhension est mis en défaut,
- La honte lorsque la considération que nous espérons ne nous est pas accordée,
- La joie quand notre besoin de partager, de célébrer est pleinement satisfait ; etc.
Pour notre organisme, toutes les émotions que nous venons de citer se valent : elles ne sont que des manifestations biochimiques, comme nous le découvrirons au chapitre suivant. Mais ce n’est pas le cas pour notre esprit, qui ne peut s’empêcher de ressentir certaines de ces émotions comme agréables, et d’autres comme désagréables. C’est pour cette raison que nous passons notre vie à rechercher les premières et à éviter les secondes.
Pourtant cette quête est, par bien des côtés, absurde. Car nous ne pouvons pas plus diriger nos émotions que nous ne pouvons commander à la fièvre qui nous embrase quand nous tombons malade ou à la faim qui nous tenaille lorsque nous sautons un repas ! En effet, contrairement à ce que nous avons tendance à croire, les émotions dites "négatives" ne sont pas la cause de nos malheurs, mais seulement les symptômes d’un déséquilibre dont l’origine se situe dans nos besoins insatisfaits.
A noter : Le processus des émotions nous permet non seulement de réaliser le degré d’insatisfaction de nos besoins, mais aussi de préparer notre corps à y remédier. La peur, par exemple, est liée à une production massive d’adrénaline qui interrompt momentanément certaines de nos fonctions non essentielles (telles que la digestion) dans le but d’envoyer plus de sang dans nos muscles, et d’ainsi nous permettre de fuir le danger ou de lutter plus efficacement contre lui. Comme nous le clamions plus tôt , tout est merveilleusement parfait sur notre planète !
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Dans ce chapitre, nous allons découvrir que les émotions sont issues d’un processus biologique automatique qui peut se résumer ainsi : "Un évènement occasionne en nous une pensée, qui provoque une émotion"
Le chapitre précédent pourrait nous faire penser qu’il existe un lien de causalité direct entre les évènements qui se produisent dans nos vies, nos besoins essentiels et nos émotions.
Il est possible de comparer ce processus à une explosion provoquée par une bombe. Dans cette analogie, la bombe serait les évènements auxquels nous sommes confrontés, et l’explosion, les émotions que nous ressentons :
Cette description est vraie pour les animaux peu évolués, dont les réactions ne sont dirigées que par l’instinct. Pour les êtres humains cependant, la situation est bien plus complexe.
Nous avons précédemment vu que l’évolution avait graduellement complexifié notre cerveau, jusqu’à nous doter d’un cortex cérébral unique nous permettant de développer des pensées complexes, voire même abstraites. Or, fascinés par les possibilités que cette intelligence nouvelle nous offrait, nous avons progressivement laissé ces pensées envahir notre esprit et prendre le pas sur notre instinct. C’est ainsi que chez les êtres humains modernes, les émotions ne se réduisent plus à une simple réaction atavique, mais se développent à travers un processus complexe constitué de quatre grandes étapes :
1) Un évènement se produit dans notre environnement. Il est perçu par nos sens et converti en un signal électrique qui est envoyé à notre cerveau.
2) Notre cerveau analyse ces informations en fonction des données qu’il a accumulées et émet une pensée à propos de cet évènement.
3) Si cette pensée fait écho à l'un de nos besoins essentiels, notre cerveau déclenche dans notre corps la libération de substances chimiques.
4) Ces substances chimiques sont à l’origine de symptômes physiques que notre cerveau reconvertit en signal électrique et traduit comme une émotion.
Un exemple "maritime" pour imager ce principe :
1) Je suis en train de nager dans l’océan ; j’aperçois soudain un requin.
2) Le film "Les dents de la mer" me revient à l’esprit ; une pensée me traverse : "Je vais me faire dévorer".
3) Mon besoin de sécurité physique est menacé ; mon cerveau ordonne la libération d’adrénaline dans mon corps.
4) Mon cœur se met à battre la chamade ; je ressens une peur panique.
Les émotions humaines, parce qu’elles relèvent à la fois des sensations physiques et des pensées, constituent un système d’alarme qui se situe au croisement du corps et de l’esprit, et que l’on peut résumer par : " Un évènement occasionne en nous une pensée, qui provoque une émotion ".
Si l'on reprend notre analogie, nous avons maintenant à faire à une explosion déclenchée à distance, où le détonateur serait les évènements auxquels nous sommes confrontés, le fil conducteur, nos pensées liées à nos besoins essentiels, et l’explosion, les émotions que nous ressentons :
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Relation entre les pensées, les besoins essentiels, et les émotions qui en découlent
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A noter : Nous pouvons parfois avoir l’impression que nos émotions ne sont pas provoquées par un évènement extérieur mais par une simple pensée. Ceci est tout à fait vrai. Mais si l’on remonte à l’origine de cette pensée, on aboutit nécessairement à une expérience passée, vécue directement ou indirectement. Que le déclencheur de l’émotion soit interne (pensée) ou externe (évènement), le principe énoncé ici reste toujours valable.
A noter aussi : Il existe en réalité une cinquième étape dans le processus des émotions : les réactions spontanées. En effet, lorsque nous éprouvons une émotion, notre corps réagit en produisant de lui-même différentes manifestations physiques, telles que les tremblements, les larmes, les cris, les mouvements de recul, l’écarquillement des yeux… et bien sûr aussi le sourire !
Dans notre exemple maritime : 5) Je me mets à hurler tandis que mon corps est secoué de spasmes.
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Dans ce chapitre, nous allons découvrir que si nous réagissons tous émotionnellement de manière différente, c’est à cause de notre interprétation des évènements. Nous en déduirons que nos émotions sont subjectives, personnelles, et que nous en sommes donc responsables.
Si l’on admet que tous les êtres humains possèdent (à peu près) les mêmes corps et les mêmes cerveaux, qu’ils obéissent donc aux mêmes processus physiologiques et psychiques, et qu’ils répondent en outre aux mêmes besoins essentiels, alors comment se fait-il que nous ne réagissions pas tous émotionnellement de la même manière aux mêmes évènements ? L’explication tient au second point de la mécanique des émotions vue au chapitre précédent, c’est-à-dire aux pensées que nous formons à propos des évènements qui se produisent dans nos vies.
Nous développerons les facteurs qui participent à la formation de ces pensées dans le troisième livret de ce programme, mais nous pouvons d’ores-et-déjà tirer de cette constatation plusieurs conclusions :
- Nos émotions sont subjectives : En effet, elles découlent des pensées que nous formons à propos des évènements qui se produisent, et non pas des évènements en eux-mêmes. C’est ce qui explique qu’une même situation puisse provoquer des sentiments différents chez des individus distincts, ou qu’une personne puisse réagir de manière différente à une même situation en fonction de son état émotionnel. Comme le dit le sage, "ce n’est pas ce qui nous arrive qui est important, c’est ce que nous en faisons".
- Nos émotions sont personnelles : Si la mécanique des émotions est identique pour tous, les émotions appartiennent à chacun. Car comme nous le vérifierons plus tard, le regard que nous posons sur les évènements qui se produisent dans notre vie découle de notre propre histoire individuelle, et est conditionné par nos propres croyances personnelles – que nous les ayons forgées nous-mêmes ou qu’elles nous aient été léguées par notre entourage.
- Nous sommes responsables de nos émotions : Les émotions étant personnelles, nous devons accepter l’idée que nous en sommes totalement responsables. Blâmer les autres pour les émotions qui nous animent est donc non seulement injuste, mais de plus contre-productif : en se méprenant sur les causes véritables de nos émotions (c’est-à-dire en fustigeant une personne ou une situation extérieure plutôt qu’en allant examiner nos propres besoins insatisfaits et notre propre manière de juger les évènements), nous sommes en effet certains de ne jamais rien résoudre et de reproduire indéfiniment les mêmes schémas.
A l’inverse, il est tout aussi inapproprié de se considérer comme responsable des émotions des autres. Vous pouvez donc dès à présent abandonner toute culpabilité et, si besoin, bâillonner votre orgueil qui aime parfois à se croire doté d’un tel pouvoir sur l’autre...
- Nous ne pouvons pas contrôler nos émotions : Nos émotions, nous l’avons vu, sont induites par des processus biochimiques involontaires qui échappent totalement à notre contrôle. C’est donc seulement en modifiant notre manière de juger les évènements (c’est-à-dire en changeant nos schémas de pensée et nos croyances) et en s’attelant à satisfaire concrètement nos besoins essentiels que nous pouvons faire évoluer nos émotions.
- Nous ne pouvons pas nous affranchir de nos émotions : Les émotions trop longtemps niées ou refoulées se muent tôt ou tard en pulsions et n’en deviennent paradoxalement que plus instables et violentes – à l’instar de ces barrages qui finissent par céder lorsque la pression de l'eau devient trop forte. Tenter de s’affranchir de ses émotions, c’est donc prendre le risque d’être constamment balloté entre inémotivité et hyperémotivité. C’est bien sûr aussi, de manière totalement absurde, se couper du système d’alarme vital qui gère nos besoins essentiels – et donc se condamner à rester indéfiniment dans l’insatisfaction.
Dans notre exemple maritime :
- Subjectivité : Un biologiste marin amoureux des requins ne ressentira aucune peur face au squale ; il prendra au contraire plaisir à cette rencontre inopinée.
- Responsabilité : Ce requin n’est pas responsable de notre panique – pas plus que les autres. La peur des squales avait déjà été programmée en nous par le film "Les dents de la mer". Evitons donc de nous servir de notre émotion pour justifier le massacre de ses congénères.
- Incontrôlabilité : Refuser dorénavant d’aller nager dans l’océan ne nous fera pas perdre notre peur – au contraire, cela la justifiera. Mais un stage de nage libre au milieu de requins pourra nous faire réaliser que ceux-ci ne sont pas dangereux, et pourra nous libérer de notre phobie.
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Dans ce chapitre, nous allons découvrir qu’il existe deux sortes d’émotions : les émotions cérébrales et les émotions corporelles, qui possèdent toutes deux leur propre système de mémorisation.
Les émotions dont nous venons de décrire le mécanisme sont des émotions qui sont liées à notre esprit. Elles résultent en effet des pensées que notre cerveau conçoit à propos des évènements auxquels nous devons faire face. Nous pourrions ainsi les qualifier d’émotions "cérébrales". Mais il existe une autre sorte d’émotions liées, elles, au corps : les émotions "corporelles".
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Nous avons détaillé, au chapitre 2.5, le mécanisme de nos émotions et découvert que ces dernières possédaient une composante électrique et une composante chimique. Lorsque nous faisons face à un évènement, notre cerveau conçoit en effet une pensée sous forme de signal électrique qui, si elle fait écho à l’un de nos besoins essentiels, déclenche dans notre corps la production de substances chimiques que notre cerveau reconvertit par la suite en signal électrique et traduit comme une émotion. C’est ce qui explique que la puissance d’une émotion soit proportionnelle à l’intensité du signal électrique qui traverse notre cerveau et à la quantité de substances chimiques libérées dans notre corps.
Lorsque nous ressentons une émotion ordinaire (un simple agacement par exemple), le signal électrique engendré par cette émotion étant de faible intensité, il est aisément assimilé par notre cerveau, avant d’être stocké (plus ou moins temporairement) dans notre mémoire cérébrale. Dans le même temps, notre corps se charge, lui, d’évacuer graduellement les substances chimiques induites par cette émotion. Ce double processus psychologique et physiologique ne prend généralement que quelques minutes ; c’est le temps théorique qui nous est nécessaire pour "digérer" une émotion ordinaire.
Mais toutes les émotions ne sont pas ordinaires, et il arrive que lors d’un évènement traumatique (tel qu’un accident ou une agression physique), l’émotion ressentie s’avère si violente qu’elle agit comme un véritable coup de foudre. La charge électrique qui s’abat alors sur notre cerveau est si intense qu’elle peut y provoquer de graves dommages psychologiques – tels que des névroses, des syndromes post-traumatiques, voire plus rarement des psychoses – qui viennent durablement s’imprimer au cœur même de nos neurones. En parallèle, la quantité de substances chimiques libérées dans notre organisme atteint de telles proportions que celui-ci ne peut toute la digérer et qu’une partie – à l’image de la foudre que le paratonnerre va dissiper dans le sol afin d’en réduire les effets destructeurs – se voit disséminée à travers toutes les cellules de notre corps. Et c'est là qu'elle reste stockée sous forme de mémoire cellulaire, dans l’attente de pouvoir être libérée ultérieurement (comme nous le verrons au chapitre 7.5).
Si, comme nous l’avons vu précédemment, les émotions cérébrales passent par le filtre de nos pensées, ("un évènement occasionne en nous une pensée, qui provoque une émotion"), le processus des émotions corporelles, lui, relie directement notre corps à nos émotions, sans passer par notre cerveau. C’est pour cette raison que lorsque qu’un évènement vient réactiver une de nos mémoires cellulaires, notre corps réagit directement à cet évènement :
C’est en cela que nos émotions liées à nos mémoires cellulaires s’avèrent souvent plus fiables que celles liées à notre mémoire cérébrale, même si nous avons plus de mal à les expliquer et les rationnaliser.
A noter : Si nous n’avons pas consciemment accès à notre mémoire cellulaire (à part dans certains états de conscience modifiée), nous pouvons à tout moment faire appel à notre mémoire cérébrale. Il nous suffit en effet de quelques instants pour nous remémorer n’importe quel incident dont nous avons gardé le souvenir et, si nous nous y plongeons assez intensément, revivre pratiquement à l’identique l’émotion alors ressentie. Car notre cerveau – c’est une de ses caractéristiques – ne sait pas faire la différence entre la réalité, le souvenir, l’imagination et les rêves.
A noter aussi : Si les émotions ordinaires finissent en simples souvenirs, les émotions traumatiques, elles, restent durablement gravées dans notre chair, au cœur de nos cellules. C’est ce qui expliquerait, d’après certains scientifiques, le lien entre les émotions négatives et certaines maladies graves (telles que le cancer, qui est, rappelons-le, une forme de dégénérescence des cellules).
La première étape dans la compréhension de ce qui fait de nous des êtres humains avait donc trait aux émotions. Quoi de plus logique ? Nous avons beau nous targuer de pragmatisme, faire l’éloge de notre raison et vénérer la prodigieuse intelligence qui est la nôtre, n’en déplaise à Descartes, les êtres humains sont avant tout des créatures émotionnelles.
Il nous faut en effet en convenir : nos émotions dirigent une grande partie de notre vie. Ce sont elles qui influencent nos relations familiales, amoureuses ou amicales, qui orientent nos centres d’intérêts et nos passions, qui guident même jusqu’au choix de nos coiffures, de nos vêtements ou de nos voitures. Ce sont elles qui nous font nous lever le matin – que ce soit de bonne ou de mauvaise humeur – et qui toute la journée régissent nos décisions. Car ne nous y trompons pas : nos choix – qu’ils soient conscients ou inconscients – sont la plupart du temps totalement émotionnels ; ce n’est qu’une fois notre décision prise que nous essayons de la justifier – et de nous rassurer – à l’aide d’arguments plus ou moins logiques et rationnels.
Nos émotions dirigent ainsi une grande partie de nos existences. Et pourtant… Et pourtant comme nous l’avons vu, elles se limitent en réalité à des mécanismes électrochimiques antédiluviens dont le but originel consistait seulement à nous alerter à propos de nos besoins essentiels. C’est donc parce qu’avec le temps, nous avons fini par déléguer notre pouvoir personnel à de simples processus biologiques – automatiques et donc totalement indépendants de notre volonté – qu’il était essentiel de débuter notre "Libération de soi" en révélant les détails de ce processus. Afin que nous puissions poser un regard neuf sur nos émotions, et que nous puissions commencer à nous libérer de notre identification à elles.
Car contrairement à ce que nous pensons généralement, nous ne sommes pas nos émotions – pas plus que nous ne sommes notre digestion, notre respiration, notre fièvre ou notre faim ; pas plus que notre maison ne peut se résumer au système d’alarme-incendie qui l’équipe ou notre voiture au système anti-vol dont elle est pourvue ! Non, nous ne sommes pas nos colères, nous ne sommes pas nos tristesses, nous ne sommes pas nos hontes, nous ne sommes pas même nos joies : ce ne sont que des sensations qui nous traversent lorsque nos besoins l’exigent.
Cette désidentification aux émotions est une étape nécessaire dans la reconquête de notre pouvoir personnel ; elle n’est pourtant pas chose aisée. Car nos émotions ne se résument pas aux processus biochimiques qui en sont à l’origine : comme nous l’avons vu au chapitre 2.5, elles participent aussi d’un processus psychologique, en ceci qu’elles sont le fruit des pensées que nous émettons à propos des évènements que nous rencontrons dans nos vies. Il est donc temps, à présent, d’aller explorer d’où nous viennent ces pensées. Ce sera la troisième partie de notre voyage.
A noter : Dans la suite de ce programme, quand nous ne préciserons pas à quel type d’émotions nous avons à faire, ce sera par défaut les émotions cérébrales. Lorsque nous évoquerons les émotions corporelles, nous le mentionnerons.